TRIBUNE DE MAITRE MEDARD MABAYA DIAMBOMBA
L’un de mes amis m’avait dit un jour qu’un de ses professeurs du Cycle d’orientation avait l’habitude de taquiner les élèves. Il se demandait en ces termes : « Est-ce que les Africains ont une langue ? » Pour enfoncer le clou, il donnait cet exemple : « Na ye kotuna ba points na ngai ya première période ? » (Entendez par-là : « Je voudrais connaitre ma note des épreuves de la première période. ») Il s’exclamait par la suite de cette manière : « Ça, c’est quelle langue ? »
Oui ! Une langue frelatée. Nous nous sentons plus à l’aise lorsque nous parlons des langues étrangères. Nos propres langues sont reléguées en arrière-plan. Ce qui est anormal. Bien sûr, cette situation est survenue à cause de la colonisation et de notre aliénation mentale, cependant il est temps de prendre conscience et corriger les choses petit-à-petit.
Il serait malheureux que nous puissions, un jour, perdre toutes nos langues. Il faudrait les enseigner à l’école. Continuer aujourd’hui à utiliser la langue étrangère comme langue officielle, n’est tout simplement qu’une aberration. Jusqu’à quand continuerons-nous à apprendre tout des autres ? N’est-ce pas que toutes les langues se valent. L’attrait de ce mot composé en est une illustration éloquente : « Kimalu-malu. » Certes, je pourrai y revenir, un jour.
On pille sans aménagement nos richesses naturelles. Accepterons-nous de perdre aussi nos langues, au profit des langues étrangères ? Non ! Mieux vaut tard que jamais, dit-on. Pour ma part, je vais acheter une Bible, version lingala, et je crois qu’avec un peu d’efforts, je parviendrai à parler un lingala dépouillé des tonnes d’impuretés.
C’est grâce aussi aux Églises que nos langues nationales se maintiennent encore. Les médias n’y réservent qu’une faible tranche d’émissions. Dans les facultés des lettres, les Professeurs prestigieux sont ceux qui enseignent les langues étrangères. En revanche, ceux qui enseignent les langues africaines sont considérés comme des rebuts du Corps Académique, pourtant ils sont gardiens de nos langues. Préservons notre patrimoine culturel.
Non ! On m’interdit de parler ma propre langue dans mon pays. L’école contribue, sans le savoir, à l’aliénation mentale, à ce sujet. Le lundi 2 janvier 2023, j’ai lu ce qui suit sur une affiche collée au mur d’une salle de classe qui fait office de Bureau d’Identification et d’enrôlement des électeurs, à l’Ecole Primaire Kibuka, au Quartier Congo, dans la Commune de Masina, dans la Ville/Province de Kinshasa : « Pas de lingala en classe ! » Quoi, cette pratique continue ? C’était ma réaction silencieuse et instantanée. J’ai eu, à une certaine époque, à subir une telle interdiction. Une abomination !